Reif Larsen, L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T. S. Spievet, éds Livre de poche (2013) et Plon (2010).
Mon coup de coeur :
Tecumseh Sansonnet Spivet est un garçon de 12 ans, débrouillard, curieux (dans toutes les acceptions du terme) et passionné par la cartographie. Ainsi occupe t-il ses journées à esquisser des schémas, des croquis et des cartes et à annoter tout ce qu'il voit même le plus insignifiant comme l'épluchage des épis de maïs par sa soeur aînée ! Selon lui rien de tel qu'un dessin pour connaître la réalité des choses et donner sens à ce qui nous entoure.
T.S. vit au sein d'une famille bien particulière. Son père se comporte comme en cowboy dans on far-west, sa mère est une éthologue obnubilée par des insectes les plus improbables et sa soeur est préoccupée par son apparence. Il y a quelques années, cette famille a perdu le fils cadet; mort dont notre héros se sent responsable et qui a traumatisé tous les membres de cette famille, chacun vivant les uns sur les autres sans pour autant prendre soin les uns des autres. Cependant, cette vie trop bien figée va être perturbée par un coup de fil inattendu et porteur d'une bonne nouvelle: notre jeune prodige vient de recevoir le prestigieux prix Baird et se voit ainsi convier à assister à la remise de ce prix. Bien décidé à découvrir le monde, le voilà donc quittant son Montana natal pour rejoindre Washington D.C. avec pour seule compagnie un télescope et un carnet familial où sont consignées les mémoires de son arrière-arrière-grand-mère et tout cela sans prévenir quiconque!
Ce périple devient progressivement pour le narrateur le prétexte pour dénoncer les travers d'une société intolérante, pour découvrir de flagrantes inégalités sociales entre quartiers et entre les individus, de pointer les contradictions et la fragilité des adultes et la férocité du pouvoir médiatique.
Si le thème de la fugue est somme toute classique, il n'en est pas moins vrai qu'il est fort habilement décliné dans ce récit qui vaut surtout pour tout ce qu'il met en marge (là aussi tous les sens du termes sont valables). Car la véritable et formidable trouvaille de ce roman c'est sa composition, son parti pris de créer un autre récit, de décentrer le principal en multipliant les annotations, les renvois, les invitations à la digression et à la dispersion. Tout cela dans le but d'aller au-delà du simple roman initiatique et de proposer un récit existentiel, une ode aux sciences et un constat peu reluisant de la société américaine ou de la place de la gent féminine dans cet univers scientifique et surtout d'offrir aux lecteurs un roman familial qui comme tous les bons romans familiaux tourne autour d'un secret de famille qu'il faut révéler et d'un malheur à dépasser !
Et bien que le récit s'essouffle légèrement à la fin, il s'agit néanmoins d'un roman malicieusement composé, fait d'humour, de souffle poétique et de maîtrise dans lequel son auteur dévoile un vrai sens de la description et de la formule. En bref, ce roman offre un fort beau moment de lecture et le voyage se fait également à l'intérieur de ses pages lorsque nos yeux balayent l'ensemble de leur contenu dans un sens parfois imposé par le récit mais souvent ressenti par le lecteur. Il serait dommage de sen passer. A découvrir car en plus d'être un bon roman, L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est un très bel objet (il n'y a pas que le voyage de notre prodige qui soit extravagant, le contenant l'est tout également !).
Je remercie Le Livre de Poche pour cette belle découverte !
L'auteur :
Il est également cinéaste et a réalisé des documentaires sur les étudiants américains, britanniques et africains travaillant dans le domaine des arts.
L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est son premier roman. Le livre vient d'être l'objet d'une adaptation par Jean-Pierre Jeunet.
J'avais déjà envie de le lire avant de voir ton commentaire.
RépondreSupprimerJe vais le rajouter dans ma liste au père Noël.
Merci !
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