vendredi 29 novembre 2013

Petites scènes capitales

Sylvie Germain, Petites scènes capitales, éds Albin Michel

Mon coup de coeur :
Les petites scènes capitales en question ce sont les moments décisifs -souvent tragiques, parfois heureux - qui jalonnent l'existence de Lili/Liliane/Barbara qui fut successivement une petite fille tourmentée, puis une jeune femme perdue avant de devenir une femme apaisée.
Lili c'est d'abord une petite fille sans mère, élevée par un père distant (dont les actes et les paroles sont motivés par un soucis démesuré d'équité), aimée par une grand-mère trop vite disparue et qui a grandi dans une famille recomposée à ses dépens. Nous la suivons dans ce dédale qu'est sa vie, constamment en quête d'amour, d'identité et de reconnaissance mais qui se heurte perpétuellement à l'égoïsme ou à l'indifférence de ceux qui l'entourent et au tragique voire à la fatalité qui pourrissent régulièrement son devenir et ses espérances. C'est alors avec beaucoup de difficultés et de souffrances que notre jeune "héroïne" tente de se frayer un chemin dans la vie et de mener la sienne à bon escient parmi cette famille d'adoption trop accaparante avec un demi-frère instable, trois demi-soeurs encombrantes dont des jumelles qui lui volent d'emblée son anniversaire, une belle-mère froide et inaccessible et surtout la mort qui rôde à chaque instant et qui rythme trop souvent son quotidien. Ainsi régulièrement aux prises avec les mystères qui constituent son existence et celle de ses proches, Lili -petite fille intranquille et fragile- devient in-extremis une femme en paix avec elle même et les autres.
Au fil des pages, Petites scènes capitales cesse pourtant de n'être que le roman d'une vie ou la traversée d'un demi siècle pour devenir le récit du temps qui file et échappe aux personnages. Cette notion du temps est essentielle pour comprendre et apprécier ce livre et la vie de Lili car tout deux s'articulent autour de la problématique d'un avant et d'un après: il y a un avant/après sa naissance, un avant/après la mort de Christine (une des deux jumelles)/ de la grand-mère/de la belle-mère..., un avant/après mai 68...
Tout cela contribue à faire de ce roman un grand récit aux multiples entrées et niveaux de lecture.
D'autant plus que Sylvie Germain est un de ces auteurs si précieux qui savent conjuguer l'amour des mots avec celui de l'intrigue bien faite, de la douceur et de la force, de la beauté et de la disgrâce (celles des sentiments, des comportements ou des événements). Elle porte un regard poétique mais juste sur ses personnages auxquels je me suis attachée malgré -ou grâce- à leurs défauts. Dans ce récit, il n'y a ni nostalgie ni colère ni règlement de comptes; seulement des êtres qui tentent de s'en sortir comme ils le peuvent et si possible sans se mentir à eux-même.
Comme dans les précédents romans que j'ai lu d'elle, il y a ici aussi une somptueuse musicalité qui envoûte et m'a rendu accro de pages en pages. Il y a un grand et beau travail de composition et d'écriture et une élégance tant dans l'énoncé que dans l'énonciation ! Le grand talent de l'auteur c'est alors de rendre ce travail stylistique incroyablement fin et "digeste".

Vous l'aurez compris, Petites scènes capitales est un récit qui se déploie autour et grâce à un personnage mais qui en englobe beaucoup d'autres afin de nous entraîner nous lecteurs  à travers 50 ans d'histoire individuelle et collective. Ce que je retiens aussi de cette lecture c'est que tout un chacun peut avoir un destin dans la mesure où toute vie peut être jalonnée par un ou plusieurs événements extra-ordinaires, un fait inattendu qui surgit et brise le fil d'une vie jusque là bien tracée et qui nous forge malgré nous. 

Enfin je tiens à réaffirmer mon admiration pour cet auteur et pour ce récit. Je n'ai pas hésité une seconde avant de choisir ce roman parmi la liste des livres proposés par Priceminister pour ce concours auquel je participe pour la première fois. Je ne regrette nullement mon choix !

J'ai éprouvé un grand bonheur à cheminer à travers ces petites scènes aux côtés de personnages si follement attachants. Je vous conseille plus que vivement cette lecture.

Ma note est de 19/20.


L'auteur :
Née en 1954 Sylvie Germain est un des auteurs français contemporains les plus lus et appréciés. Depuis une trentaine d'années, elle tisse une oeuvre singulière, poétique et cohérente qui est régulièrement couronnée de prix littéraires : Prix Femina en 1989 pour Jours de colèreGrand Prix Jean Giono en 1998 pour Tobie des Marais, Prix Goncourt des lycéens en 2005 pour Magnus, Prix Jean Monnet de littérature européenne en 2012 et Grand Prix SGDL de littérature 2012 pour l'ensemble de son oeuvre.

Et plus si affinités :
Voir ou revoir le très plaisant film de Rémi bezançon Le premier jour du reste de ta vie avec Zabou Bretman et Jacques Gamblin. Certes, j'avoue que même si le sujet est proche de celui traité dans Petites scènes capitales le traitement narratif est différent. Cela me permet d'ailleurs de souligner à quel point le style de  Sylvie Germain transcende le sujet de son récit.


 
vidéo youtube mise en ligne par yannkerbec 




mardi 19 novembre 2013

L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet

Reif Larsen, L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T. S. Spievet, éds Livre de poche (2013) et Plon (2010).


Mon coup de coeur :
Tecumseh Sansonnet Spivet est un garçon de 12 ans, débrouillard, curieux (dans toutes les acceptions du terme) et passionné par la cartographie. Ainsi occupe t-il ses journées à esquisser des schémas, des croquis et des cartes et à annoter tout ce qu'il voit même le plus insignifiant comme l'épluchage des épis de maïs par sa soeur aînée ! Selon lui rien de tel qu'un dessin pour connaître la réalité des choses et donner sens à ce qui nous entoure.
T.S. vit au sein d'une famille bien particulière. Son père se comporte comme en cowboy dans on far-west, sa mère est une éthologue obnubilée par des insectes les plus improbables et sa soeur est préoccupée par son apparence. Il y a quelques années, cette famille a perdu le fils cadet; mort dont notre héros se sent responsable et qui a traumatisé tous les membres de cette famille, chacun vivant les uns sur les autres sans pour autant prendre soin les uns des autres. Cependant, cette vie trop bien figée va être perturbée par un coup de fil inattendu et porteur d'une bonne nouvelle: notre jeune prodige vient de recevoir le prestigieux prix Baird et se voit ainsi convier à assister à la remise de ce prix. Bien décidé à découvrir le monde, le voilà donc quittant son Montana natal pour rejoindre Washington D.C. avec pour seule compagnie un télescope et un carnet familial où sont consignées les mémoires de son arrière-arrière-grand-mère et tout cela sans prévenir quiconque!
Ce périple devient progressivement pour le narrateur le prétexte pour dénoncer les travers d'une société intolérante, pour découvrir de flagrantes inégalités sociales entre quartiers et entre les individus, de pointer les contradictions et la fragilité des adultes et la férocité du pouvoir médiatique.
Si le thème de la fugue est somme toute classique, il n'en est pas moins vrai qu'il est fort habilement décliné dans ce récit qui vaut surtout pour tout ce qu'il met en marge (là aussi tous les sens du termes sont valables). Car la véritable et formidable trouvaille de ce roman c'est sa composition, son parti pris de créer un autre récit, de décentrer le principal en multipliant les annotations, les renvois, les invitations à la digression et à la dispersion. Tout cela dans le but d'aller au-delà du simple roman initiatique et de proposer un récit existentiel, une ode aux sciences et un constat peu reluisant de la société américaine ou de la place de la gent féminine dans cet univers scientifique et surtout d'offrir aux lecteurs un roman familial qui comme tous les bons romans familiaux tourne autour d'un secret de famille qu'il faut révéler et d'un malheur à dépasser !
Et bien que le récit s'essouffle légèrement à la fin, il s'agit néanmoins d'un roman malicieusement composé, fait d'humour, de souffle poétique et de maîtrise dans lequel son auteur dévoile un vrai sens de la description et de la formule. En bref, ce roman offre un fort beau moment de lecture et le voyage se fait également à l'intérieur de ses pages lorsque nos yeux balayent l'ensemble de leur contenu dans un sens parfois imposé par le récit mais souvent ressenti par le lecteur. Il serait dommage de sen passer. A découvrir car en plus d'être un bon roman, L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est un très bel objet (il n'y a pas que le voyage de notre prodige qui soit extravagant, le contenant l'est tout également !).
Je remercie Le Livre de Poche pour cette belle découverte !

L'auteur :
Reif Larsen est un auteur américain ayant étudié à Brown University et qui enseigne actuellement à Columbia University, où il a passé sa maîtrise en Fiction.
Il est également cinéaste et a réalisé des documentaires sur les étudiants américains, britanniques et africains travaillant dans le domaine des arts.
L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet est son premier roman. Le livre vient d'être l'objet d'une adaptation par Jean-Pierre Jeunet.

lundi 11 novembre 2013

C'est lundi, que lisez-vous ? (23)


C'est lundi, que lisez-vous ?

Ce rendez-vous hebdomadaire a été inspiré par les It's Monday, what are yoou reading ? by One Person's Journey Through a Wolrld of Books et repris par Mallou puis Galleane. J'espère grâce à votre contribution pouvoir faire de cette page un rendez-vous convivial.

Comme chaque lundi je répondrai aux trois questions suivantes :
✒ Qu'ai-je lu la semaine précédente ?
✒ Que suis-je en train de lire ?
✒ Que vais-je lire ensuite ?

Bonjour, j'ai continué la semaine dernière le très impressionnant roman de Ken Kesey  Et j'ai quelquefois comme une grande idée (éds Monsieur Toussaint Louverture). Parallèlement à cette lecture, j'ai lu le très bon roman jeunesse Méto d'yves Grevet (éds Syros).
Cette semaine j'entame celle de L'extravagant voyage du jeune et prodigieux de T.S. Spivet de Reif Larsson (éds LDP).
Quant à la semaine prochaine, j'espère enfin lire Pietra Viva de Léonor De Recondo (éds Sabine Wespieser), lecture que j'ai dû reporter la semaine précédente. 
Bonne semaine à tous et j'attends de connaître vos lecture avec curiosité !

lundi 4 novembre 2013

C'est lundi, que lisez-vous ? (22)


C'est lundi, que lisez-vous ?

Ce rendez-vous hebdomadaire a été inspiré par les It's Monday, what are yoou reading ? by One Person's Journey Through a Wolrld of Books et repris par Mallou puis Galleane. J'espère grâce à votre contribution pouvoir faire de cette page un rendez-vous convivial.

Comme chaque lundi je répondrai aux trois questions suivantes :
✒ Qu'ai-je lu la semaine précédente ?
✒ Que suis-je en train de lire ?
✒ Que vais-je lire ensuite ?

Bonjour, j'ai terminé la semaine dernière le très beau roman de Sylvie Germain Petites scènes capitales (éds Albin Michel) et continué le toujours aussi passionnant Et j'ai quelquefois comme une grande idée de Ken Kesey (éds Monsieur Toussaint Louverture).
Cette semaine je continue la lecture de ce dernier et j'entame celle de L'extravagant voyage du jeune et prodigieux de T.S. Spivet de Reif Larsson (éds LDP).
Quant à la semaine prochaine, je lirai sûrement Pietra Viva de Léonor De Recondo (éds Sabine Wespieser) dont j'attends beaucoup.  
Bonne semaine à tous et n'hésitez pas à venir partager vos lectures !