lundi 30 mars 2015

C'est lundi, que lisez-vous ? (48)




C'est lundi, que lisez-vous ?

A l'origine, il s'agit d'un rendez-vous hebdomadaire inspiré par les It's Monday, what are yoou reading ? by One Person's Journey Through a Wolrld of Books et repris par Mallou puis Galleane.  Après avoir testé cette formule durant un an, j'ai décidé d'en faire un rendez-vous mensuel et de ne le publier que le dernier lundi du mois. Mais comme dans la précédente version, il s'agira établir un échange autour de nos lectures passées, en cours et à venir.

Décidément je commence mal l'année 2015 en ne suivant pas mes bonnes résolutions annoncées il y a trois mois à peine :-(  Navrée pour cette longue absence. J'ai eu quelques difficultés à mettre à profit mon (peu de) temps libre...
Si je ne chronique que trop peu mes lectures, je continue pourtant à lire (j'espère vous avoir rassurés). Ainsi parmi les derniers romans lus et appréciés je retiens les titres suivants :
Le collectionneur (le premier tome de Strom) de Benoît de Saint-Chamas (éds PKJ), Le Désert de Tartares de Dino Buzzati (éds pocket), Tante Mame de Patrick Dennis (éds Flammarion), La Diligence rouge de Gyula Krùdy (éds Circé) et surtout Vous parler de ça de Laurie Halse Anderson (éds La belle colère) dernier gros coup de coeur depuis la Trilogie des jumeaux d'Agota Kristof.
Actuellement je suis plongée dans L'Institut Benjamenta de Robert Walser (éds Gallimard). Classique mais captivant !
J'ai eu l'agréable surprise de recevoir dans ma boîte aux lettres deux récits d'Eduardo Halfon ( Le boxeur polonais et Signor Hoffman aux éds La Table ronde) que j'attaquerai après la lecture du Walser.
J'oublie probablement d'autres lectures mais promis je n'attendrai pas trois mois avant de vous donner de mes nouvelles ;-) En attendant les publications (imminentes) de mes chroniques "coup de coeur", n'hésitez pas à me solliciter !
A bientôt !

dimanche 15 février 2015

Aujourd'hui j'ai rencontré... (2)


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...Claudia et des amoureux de Paris

Grâce à l'initiative de Claudia, des amoureux de Paris (de sa topographie, de son architecture, de sa vie culturelle...) se sont retrouvés le vendredi 9 janvier dans une oenothèque franco-italienne de la rue des Pyrénées (le Ciao Gnari) pour converser sur la Capitale. Le temps d'une soirée, autour d'un verre et/ou d'une scène, des parisiens, des provinciaux et des italiens ont parlé librement de leur attachement sentimental à cette ville dans laquelle nous vivont et/ou travaillons mais que l'on oublie souvent de regarder. Romantique, éclectique, Paris sait inspirer mais aussi accueillir. Voici un bref aperçu de ce que fut cette soirée, avec en italique la présentation que Claudia a faite de ses invités avant que ceux-ci ne déclament leur vision voire même leur amour pour la ville lumière :

Stephan :
"C’est Thomas qui m’a présenté Stephan, puisqu’ils ont travaillé ensemble en tant que libraires. Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois dans un café près de République, nous avons ressenti un étrange sentiment de familiarité, comme si on se connaissait déjà, comme si ce n’était pas la première fois qu’on se parlait. La raison était peut-être qu’il est très jovial, ou peut-être qu’il a vécu à Menton- qui est à peu près en Italie, ou qu’il parle italien et il a été marié à une Italienne. Ou peut-être parce qu’il a écrit beaucoup de lettres et il lit beaucoup, et, entre lecteurs, il se peut créer un terrain commun de souvenirs et d’expériences, qui est un peu comme avoir pensé la même chose. Un peu comme se rencontrer".
Stephan a lu un passage extrait du récit de Nicolas Sarafian Le Bois de Vincennes (éds Parenthèses). Cet écrivain arménien a vécu en France après une vie d'errance à travers l'Europe. Le Bois de Vincennes est un texte poignant dans lequel il exprime sa souffrance d'exilé mais aussi celle de son peuple. En voici quelques extraits : " Le Bois de Vincennes s'étend de la Marne au Don et même plus bas, couvrant aussi une grande partie de la mer Noire. Il atteint parfois le ciel. Il passe par-delà mes nostalgies et mes souvenirs. Il plane par-dessus d'une patrie utopique et inconnue. Et les matins des dimanches et des jours de fêtes, l'été, avec la consécration de la clarté de l'aurore, avec le frémissement couleur de sève de ses arbres transparents, je suis transporté dans la plus extrême exaltation.(...)Mais le bois me tourmente aussi (...). Et le bruissement des arbres comme un murmure de terreur. In naît une lumière comme une décharge électrique au sommet des arbres.(...) Le Bois de Vincennes est ensorceleur. L'espace est aboli. Au bords de la Marne, Varna. Le temps est susendu devant les corps nu, allongés là."


Thomas :
"Nous ne vivons pas loin, nous prenons parfois le métro ensemble et passons par Place d’Italie, qui est l’un des endroits préférés des SDF. On voit parfois l’un d’entre eux qui se brosse les dents, un autre qui coupe les cheveux à tous les autres avec son rasoir. Je lui demande la raison pour laquelle beaucoup de SDF se réunissent ici, comme je le fais souvent, parce que c’est bien de parler avec lui. Il me dit que, dans Paris, à Châtelet ou à Place d’Italie, il y a beaucoup d’endroits pour se cacher et rester au chaud. Thomas vient du sud de la France et il a vécu à Aix en Provence. Il m’a dit qu’il avait été un punk et qu’il se mettait des plumes de cormorans dans la tête. Il a commencé à le faire en Italie, où il est allé en auto stop. Et il ne m'étonne pas parce qu'il est un puits d’idées qui se propagent à l’infini. Avec lui, les idées se multiplient, prennent des formes inattendues. Il est ainsi l’interprète de mes prononciations inlassables, médiateur et "harmoniseur" des idées, des opinions, des pensées dans ma terre du milieu entre l’italien et le français. Une fois par mois il joue au théâtre à Montmartre avec sa compagnie de théâtre d’improvisation Les Improbables".
Au cours de cette soirée Thomas nous a d'ailleurs proposé une intervention originale faite d'improvisations. Il a su durant sa prestation décliner le thème central de la soirée tout en usant de son goût pour la dérision. Ce fut un très chouette moment impossible à retranscrire.


Si les Thomas et Stephan ont la particularité d'être originaire de la même région (PACA), les deux intervenantes qui suivent sont italiennes. L'une -Francesca- est parisienne depuis 3 ans tandis que l'autre -Claudia- l'est depuis 1an et demi. Elles ont toute les deux déclamé leur attachement à Paris en italien. Grâce à Claudia j'ai pu obtenir la version française de leur texte écrite par leurs soins respectifs et pris le partis de laisser les tournures de phares telles quelles dans la mesure où non seulement cela ne gênait pas la compréhension mais en plus permettait de rester fidèle à leur auteur tout en donnant une épaisseur particulière à leur texte.

Le Paris de Francesca :
Francesca est une amie italienne de Claudia. Elle vit à Paris depuis maintenant 3 ans et nous livre avec humour et sincérité son regard sur cette ville d'adoption :
"J’ai commencé à écrire cet article dans l’un des plus venteux jours de derniers temps. La Grande-Bretagne est frappée par une énorme tempête avec des vagues de 14 mètres. Le vent arrive à Paris et ne perd pas sa force. La ville semble presque prendre son envol. Le quartier où j’habite est situé entre Belleville et Ménilmontant.
On dit que le nom Ménilmontant vient de “Mesnil Mautemps”, la maison du mauvais temps, qui a ensuite été transformé en “Mesnil Montant” à cause de ses montées. Charles Trenet lui a dédié une chanson très douce.
Le nom Belleville est probablement liée à la vue magnifique de Paris dont vous pouvez profiter d’ici. Pendant des siècles, toute la région fut une sorte de village d’ouvriers et viticulteurs. Edith Piaf est née ici.
Le caractère populaire du vieux Paris avec ses artisans et ses ateliers se percevoit toujours profondément. Comme quand j’étais petite à Bergame, je suis retourné à vivre dans les collines, et j’adore vivre ici parce que je suis au sommet et je peux voir tout Paris du haut, puis le vent n’est pas entravé ni par les immeubles ni par les arbres.


Belleville
C'est vrai, j'aime le vent, j'aime mettre ma tête dans la cheminée et écouter le vent qui descend, il ne m'était jamais arrivé de l'entendre parler si fort. La chose étonnante est que le vent ne souffle pas seulement à travers la cheminée mais aussi à travers toutes les fenêtre. 
La mienne est celle d'une vieille maison des années 30, ses châssis n'ont jamais été modifiés, donc les fenêtres ne sont pas à double vitrage et les finitions en bois ne sont pas parfaites. Parfois, quand je prends un bain, je reste en silence pour entendre les soupirs du vent à travers les fenêtres et il me semble d'être sur un vieux bateau au milieu de la mer, et je me laisse emporter par de grandes vagues puissantes.
C'est une maison qui parle, dans une ville où la nature est reléguée à quelques grands parcs, je suis heureuse de l'entendre parler. Quand j'ai déménagé ici, j'ai eu un peu peur : dans les vieilles maisons il faut toujours éviter les esprits qui peuvent l'habiter.


Le case del quartier/ les immeubles de Paris XXème
Mais nous avons eu e la chance, l'ambiance est agréable, vivante et positive, et la maison nous a aimé tout de suite. Vivre au numéro 365, il me semble un hasard sympa, peut-être avec un sens kabbalistique, ou peut-être un signe que nous allons vivre dans cette maison pour un an seulement. En tout cas, il m’a donné un sentiment de quelque chose d’unique et précis, et je l’ai aimé. 
Je sais que mon quartier était autrefois très populaire et très pauvre. Ci-dessous nous, il y a de grandes réserves d’eau potable. Même aujourd’hui, l’eau qui va abreuver les robinets de Paris passe par ici. J’aime marcher dans les rues piétonnes qui grimpent la colline, regarder les maisons et les jardins secrets, me projeter dans son passé.


Ménilmontant
Pour moi Paris c'est comme ça : une ville aux grandes contradictions qui parfois me font peur et me raidissent et parfois me fascinent. Le grand luxe et la pauvreté extrême; le patriotisme et les générations survenues des ex-colonies d'Afrique du nord, des Antilles et d l'Indochine; l'éducation parfaite et l'agressivité qu'on peut rencontrer tous les jours, les masses de gens dans le métro et les petits cafés vides où on peut s'asseoir pour lire.
Il est vrai qu'en général, les Parisiens ont tendance à se déplacer pour le travail ou pour des événements particuliers, mais le plupart du temps ils restent dans leur quartier. Chaque quartier a sa propre mairie, on finit par connaître les marchands, son marché et sa communauté.
Cette année, je l'ai démarré un peu différemment. Dès que je peux, je mets mes écouteurs et une bonne paire des chaussures et je vais marcher sans but précis.
Je peux marcher quatre heures d'affilées, je cherche des lieux, je regarde les gens, je me faufile dans les rues, je prends des photos. C'est un grand plaisir parce que Paris réserve des surprises incroyables. Je cherche à m'isoler un peu pour ne pas être submergée par la frénésie. Je souhaite, un jour, de pouvoir recueillir cette errance dans un livre de photographies et de dessins... ça pourrait être un bon projet.

J'ai décidé de suivre plusieurs cours, mais surtout de me spécialiser dans la couture et la teinture naturelle des tissus. Je suis un cours de création de vêtements dans le sud de Paris, juste à côté de chez Claudia, par pure coïncidence.
C'est très drôle parce que mon groupe est composé de femmes et de filles de tous âges et origines. Ma professeur, Mme Lydie, une antillaise corpulente, est très grave et sévère. Parfois, elle me fait rire parce qu'elle confond ses photocopies de modèles de jupes avec celles de ses modèles de chemisiers. 
J'ai toujours aimé suivre des cours dans les cercles de femmes, faire partie d'un "gynécée" où on peut bavarder et échanger des opinions. Peut-être qu'en Italie l'ambiance aurait été plus chaleureuse et affectueuse, mais j'espère qu'au printemps le coeur de mes compagnes se réchauffera davantage.


I cartamodlli/ les modèles
Je sais que je suis en transition dans cette ville, que je vais mettre que des petites racines, mais j'essaie de vivre ce moment de la façon la plus intense possible : en suivant les chemins les plus originels, en vivant Paris à ma façon, en silence, en prenant des photos et en les partageant de temps en temps. En m'émouvant des détails et des histoires, sans crainte de ne pas être à la hauteur de cette grande ville".

"Una sera d'inverno a casa/ Une soirée d'hiver à la maison"

Le Paris de Claudia : J'ai rencontré Claudia en octobre 2014 lors d'une soirée d'improvisation organisée par la troupe de Thomas. Ce soir j'avais retrouvé ce dernier et Stephan qui m'avaient présenté cette jeune femme au doux accent italien. La seconde fois que je l'ai vu ce fut pour l'anniversaire de ce même Stephan et nous nous étions retrouvées attabler côte à cote. C'est alors qu'elle m'a parlé de cette soirée franco-italienne sur Paris. J'ai d'emblée accepté pour l'idée -que j'ai trouvée franchement chouette- et pour Claudia -qui est si spontanée et sympathique. A l'origine je devais écrire et lire un texte sur le Paris des auteurs hongrois. Le problème est que je me suis trop mal organisée pour être prête à temps. C'est pourquoi je me suis proposée de recueillir les différents interventions et de les relayer sur mon blog. Vous allez maintenant découvrir l'univers et la plume poétique et sensible de Claudia en italien puis en français.

En VO :
Sono le dieci di sera. La luna piena è cosi vicina ai palazzi. Ci danza in mezzo, come un lago tra gli alberi. Danza tra le finsetre illuminate di giallo, di viola, blu, rosso, verde. Decido di partire. Lascio tutto. Ho già preparato due valigie piene di foglie e rami.

In cucina c'è la lampada che proietta farfalle nelle stanze e che brilla ogni sera.
In stanza da letta c'è una pianta sudamericana senza radici che non ha bisogno di niente.
Le lascio qui.

Fuori dalla mia finestra, migliaia di finestre colorate a distanza diverse con le vite di altri migliaia di passeggeri com me.
Al 4° piano il ragazzo assorto continua a comporre i suoi pezzi di musica elettronica. Sono sicura che è per la colonna sonora di un film.
Al 5° piano la ragazze ridono. Non ho mai capito se siano due o tre.
Al 6°piano qualcuno ascolta i canti domenicali del rabbino. E sembra sereno.
Al palazzo di fronte, l'appartamento è pieno di palloncini. Cantano canzoni di compleanno in messicano.

Vicino al letto ci sono i miei libri in italiano. Le copertine luccicano alla luce della sera.
Li lascio qui.

Apro la porta e metto giù un piede dopo l'altro, lentamente, come se la forza di gravità mi trattenesse. Lascio impronte di cenere e sprofondo su strti di pagine di Rilke, Miller, Baudelaire, Aragon, Picasso, Chagall, Monet, Toulouse-Lautrec, Rimbaud, Sartre, Simone de Beauvoir, Serge Gainsbourg, Léo Ferré, e sulle pellicole di Truffaut, Godard, Christophe Honoré. Non è facile per i passegeeri come me lasciare la città lunare. Protetta da strati di pagine e pellicole.

"La libertà l'ho cercata dappertutto, ma come facevo o sapere che era cosi vicino a me?" aveva  scritto qualcuno. L'avevo intravista anch'io qualche volta, tra i raggi lunari. Tra le interferenze delle onde trasmesse dagli altri passeggeri.

Dei varchi di luce nel cielo dove la materia si fonde.
Delle grida d'amore che lanciano gli amanti soli.
Le lascio qui, anch'esse.

Non ci stanno in valiglia e non si possono trasportare.

Ma ho rivestito gli interni e l'esterno della valiglia, di Parigi.

Voglio dire, di volti e poesie e quadri e foto e film passati di qui. Mi sono dette che la città lunare avrebbe lasciato andare qualcosa fatto della sua stessa essenza. Come per superare l'ésseza di forza di gravità.
Cosi nemmeno la Luna mi puo trattenere a sé.


En français:
Il est dix heure du soir. La pleine lune frise les bâtiments. Elle y danse en leur milieu, comme un lac entre les arbres. Elle Danse entre les fenêtres éclairées de jaune, de violet, de bleu, de rouge, de vert. Je décide de partir. Je quitte tout. Je vais remplir ma valise de feuilles et de branches.

Dans la cuisine il y e la lampe qui projette les papillons et qui brille chaque nuit.
Dans ma chambre il y a une plante sud-américaine sans racine qui n'a besoin de rien.
Je les laisse ici.

Au-delà de ma fenêtre, des milliers de fenêtres colorées avec la vie de milliers d'autres passagers comme moi à l'intérieur.
Au 4ème étage le garçon absorbé (par ce qu'il fait) continue de composer ses morceaux de musique électronique. Je suis sûre  que c'est par la bande sonore d'un film.
Au 5ème étage les filles rient. Je n'ai jamais compris  si elles sont deux ou trois.
Au 6ème étage quelqu'un écoute  les chanson du dimanche d'un rabbin. Il semble serein
Dans le bâtiment d'en face, l'appartement est plein de ballons. Les occupants chantent des chansons d'anniversaire en mexicain.

Près de mon lit, il y a mes livres en italien. Les couvertures scintillent dans la lumière du soir. Je les laisse ici.

J'ouvre la porte et je pose un pied l'un après l'autre, lentement, comme si la gravité  me retenait. Je laisse  des empreintes en cendres et je m'enfonce sur les couches de pages de Rilke, Rilke, Miller, Baudelaire, Aragon, Picasso, Chagall, Monet, Toulouse-Lautrec, Rimbaud, Sartre, Simone de Beauvoir, Serge Gainsbourg, Léo Ferré, et les films de Truffaut, Godard, Christophe Honoré. Il n'est pas facile pour les passagers comme moi de quitter la ville lunaire. Protégée comme je le suis par des couches de pages et de pellicules.

"La liberté, je l'ai cherchée partout, mais comment pouvais-je savoir qu'elle était si près de moi ?" Quelqu'un  avait écrit (ces mots) . Je l'avais aperçue parfois moi aussi, la liberté, peut-être, entre les rayons de lune. Parmi les interférences des ondes émises  par les autres passagers.

Des passages de lumière dans le ciel où la matière fusionne.
Des cris d'amour que lancent les amants solitaires. Je dois les laisser ici, également.

Il n'y a pas de place dans ma valise et ce ne sont pas des matériaux que l'on peut transporter.

Mais j'ai recouvert l'intérieur et l'extérieur de la valise de Paris.

Je veux dire, des visage, des poèmes, des  peintures et des photos qui ont jaillis d'ici. Mon seul bouclier contre Paris c'est Paris. La seule façon de surmonter l'absence de  surmonter la force gravitationnelle est le poids léger des souvenirs.

Ainsi, même la lune ne pourra me retenir.


Ainsi c'est déroulée cette soirée sur Paris sous le signe de la poésie et de la fraternité.

Je remercie Claudia de m'y avoir conviée. Cette soirée en appelant d'autres.  Paris le mérite bien ;-)

En attendant n'hésitez pas à lire son blog italie2project. Vous y trouverez des articles intéressants et touchants sur notre capitale racontée par ses habitants.

Enfin cette présentation a été d'autant plus agréable qu'elle a conclu une semaine dramatique jusqu'alors rythmée par des faits divers tragiques et anxiogènes. Un merci tout particulier à Stephan avec lequel j'ai longuement et passionnément discuté lors de cette soirée.

Ciao ciao

mercredi 4 février 2015

L'invité(e) du Bruit délivre (3)

Avatar d'Hélène créé par ses soins.
Mon invitée se prénomme Hélène. Libraire expérimentée, elle est passionnée de littérature et tout particulièrement de littérature étrangère. En plus d'être une lectrice attentive des classiques anglo-américains (Jane Austen ou les soeurs Bronté), Hélène est passionnée de littérature.
Je suis doublement contente car non seulement elle a spontanément accepté mon invitation mais en plus elle a choisi un roman publié par les éditions de "La Table Ronde" -une maison d'édition que j'aime particulièrement. Je vous laisse maintenant découvrir son coup de coeur :

Son coup de coeur :
 Aristote mon père, Annabel Lyon

"Il faut être pris d'une terrible passion, pour attendre avec fébrilité le nouveau roman d'un auteur.
C'est le cas ici pour Annabel Lyon et son livre Aristote mon père .
Son premier roman Le juste milieu, fut un excellente surprise et, en même temps qu'il révélait une très bonne plume, apportait une variante au roman historique.
En effet, l'auteure utilise les codes du roman historique traditionnel : précision des repères historiques, personnages réels et fictifs, éléments romanesques etc... mais elle donne en plus à ses personnages une autre dimension, une autre consistance tant les traits physiques et le caractère sont dépeints avec précision.
Ici, l'auteure centre son roman sur l'histoire de Pythias, la fille d'Aristote. Le rapport père-fille, professeur-élève, est très présent dans la première partie du roman (à noter que dans son premier roman, Annabel Lyon basait aussi son histoire sur ce même rapport quasi-filial entre Aristote et le futur Alexandre Le Grand).
A la suite d'un élément déclencheur, le roman prend une autre tournure, lorsque Pythias, cette jeune femme « trop » éduquée, « trop » intelligente, « trop » libre pour les standards de l 'époque, doit lutter pour trouver une place dans une société qui en laisse si peu aux femmes.
Entre roman historique et étude de caractère, Aristote mon père pose un regard averti sur les problématiques sociétales d'une société transposées à la nôtre et aborde la question de l'héritage philosophique. Précieux objet de lecture il est tout cela et bien plus encore : vous  tournez les pages avec un plaisir immodéré et une fois le livre clos, vous portez ce récit et les réflexions qui en découlent en vous "


Et plus si affinités :
Les éditions de "La Table Ronde":
Lancées en 1944 à Paris par Roland Laudenbach, Jean Turlais et Roger Mouton, les éditions de "La Table Ronde" sont d'abord liées à la revue du même nom. Si elle doit son nom à Jean Cocteau qui voulait mettre en avant son esprit de groupe, c'est à la personnalité de Roland Laudenbach que cette maison doit ses premiers succès avec notamment la parution d'Antigone de Jean Anouilh (qui demeure une des publications les plus importantes). Puis suivent dans les années 1950 les écrits de François Mauriac, de Henry de Montherlant ou encore de Jean Giono (Un roi sans divertissement). A côté de ces auteurs déjà renommés, Laudenbach publie d'autres générations d'écrivains : tout d'abord ceux que la critique a surnommés "les Hussards" (Antoine Blondin, Michel Déon, Jacques Laurent et Roger Nimier) puis d'autres personnalités comme Alphonse Boudard, Gabriel Matzneff ou encore Éric Neuhoff.
En 1990 La Table Ronde et son nouveau directeur Denis Tillinac publient Jean-Paul Kauffmann, Frédéric Fajardie ou Jean-Claude Pirotte. En 1992 naît la collection de poche sous le joli nom de "La petite vermillon". Puis en 1997 -en faisant l'acquisition de la collection "Quai Voltaire"- la maison s'ouvre au domaine étranger. Sont alors publiés les romans d'Alice McDermott, de Tracy Chevalier, de Richard Russo ou d'Annabel Lyon.
En 2007 Alice Déon reprend la direction de la maison d'édition et nomme Françoise de Maulde en tant que directrice littéraire. Grâce au travail de ces deux femmes vous pouvez retrouver sur ce blog les coups de coeur suivants : L'idiot du palaisMonastère, Ailleurs, La pirouette, Mélisandre! Que sont les rêves, Heureux comme jamais.

dimanche 18 janvier 2015

Charlie Hebdo

La Une du Charlie Hebdo n°1058 signée Charb
Charlie Hebdo et moi :
Je n'avais pas le coeur de publier depuis les événements tragiques de la semaine dernière alors même que la chronique de mon 3ème invité et que mon dernier coup de coeur étaient programmés depuis plusieurs jours. Si j'édite maintenant c'est après avoir accepté l'invitation faite par certains blogueurs de rendre un modeste (et maladroit) hommage aux victimes de Charlie Hebdo. Normalement cet article aurait dû paraître le mercredi 14 soit une semaine après la tragédie, sauf que je n'étais alors pas prête à rendre une quelconque copie. Finalement, voici cette chronique une semaine après la marche républicaine qui a uni au moins 4 millions de personnes. Au cours de cet article, je ne vous parlerai pas de ce sentiment d'avoir perdu des personnes qui à certains égards me semblaient proches, de cette impression de vivre dans une société dans laquelle je me retrouve de moins en moins, de ce malaise qui me tenaille, ni de cette boule au ventre qui ne me lache pas depuis le 7 janvier mais uniquement mon rapport à ce "journal irresponsable".
Non, je ne suis pas abonnée à Charlie hebdo (je ne m'abonne à rien même pas aux quotidiens que je pourrais acheter tous les jours...) mais ce journal je le lis régulièrement -et jamais avec regret- attirée par une Une, un trait d'humour et d'esprit, un jeu de mots ou simplement pour avoir le plaisir de renouer contact avec des rubriques et des personnages momentanément laissés en retrait.
Je ne suis pas non plus une grande lectrice de BD (je dois même avouer que je suis assez nulle dans ce domaine) et pourtant j'ai aimé lire et recevoir -grâce à des parents et des proches grands lecteurs de bandes dessinées et de journaux satiriques- les recueils de Reiser, Cabu, Tardi ou encore les Mafalda et Peanuts que j'ai eu entre les mains. En fait j'ai l'impression d'avoir été assez tôt sensibilisée à l'art du dessin de presse, de la caricature mais aussi à l'humour qu'il soit tendre, potache, noir, pince-sans-rire... Et Charlie Hebdo c'est de l'humour informatif à chaque page.
D'ailleurs n'est-ce pas le propre de ce dernier que d'être irrévérencieux, tout à la fois impertinent (dans la forme et le ton) et pertinent (dans le fond), de nous bousculer dans nos certitudes, de nous avertir sur les dérives de notre société ou bien encore de poser un regard différent sur le monde dans lequel nous évoluons?  Charlie Hebdo c'est pour moi une aventure humaine et intellectuelle menée par des journalistes professionnels, des citoyens lucides et courageux, des pacifistes forcenés, des défenseurs acharnés des libertés (dont la liberté d'expression) et de la laïcité. Je ne suis pas forcément en accord avec l'ensemble de leurs publications -ça peut parfois picoter ou démanger- mais j'admire leur opiniâtreté et leur talent. Car il faut un immense talent pour réussir en quelques traits et répliques bien senties à rendre la complexité et les travers de notre société et à pointer nos défauts les plus insupportables. C'est justement cette façon de faire du journalisme, cette "façon fraternelle de s'adresser aux gens" [comme l'a justement dit Philippe Val à France inter], de faire débat en faisant rire avec des sujets sérieux qui vient d'être exécutée.
Les premières figures auxquelles je pense en écrivant ce texte c'est celle de Cabu (Ah Récré A2 avec les apparitions du Grand Duduche et Mon Beauf chanté par Renaud) et de Wolinski dont les dessins, les rires et -pour ce dernier- les coups de gueule ont accompagné de nombreuses générations. Puis surgit celle de Charb avec ses personnages si reconnaissables -avec leur tronche de travers, leur teint jaunâtre, leurs yeux globuleux. Charb et ses répliques implacables, ses dictons du jour sans cesse inspirés et ses deux animaux de compagnie (peu fréquentables mais franchement drôles) Maurice et Patapon "moins bêtes que méchants" mais désormais orphelins.
Histoire de remettre, le temps d'une chronique, un peu de légèreté et de gentille méchanceté dans cet univers de brutes haineuses, je vais consacrer les quelques lignes suivantes à ces deux larrons qui m'amusent tant.

Maurice et Patapon :


Créée en 1999, cette série de BD - composée de six tomes (dont quatre publiés par les éds Hoëbeke et deux par les éds Les Echappés)- est fidèle à l'esprit de Charb : anti-FN, laïque, contre la société de consommation, le politiquement correct et l'obscurantisme.
Portée par un chien prénommé Maurice et un chat portant le nom de Patapon, cette bande dessinée (une juxtaposition de saynètes en fait) fait mouche à chaque page. La présence de ces deux compères (cons pères râleurs, bavards, observateurs féroces et vifs d'esprit qui ne perdent aucune occasion de disserter sur le monde) permettait à son auteur d'aborder une grande variété de sujets tantôt anodins tantôt de société et ce en utilisant les différents registres de l'humour potache (du scatologique au pornographique en passant par toute les formes d'irrévérence et de désacralisation). Chacune de ces vignettes révèlent alors un sens du rythme, de la concision et de la formule magistralement maîtrisé. Attention à ne pas mettre entre toutes les mains ou devant des yeux innocents !






On peut toujours taxer cet humour de facile et/ou de grossier mais quelle efficacité et quelle audace ! 
Charb concevait les histoires de Maurice et Patapon (un mix entre Maurice Papon et "Et ron et ron, petit patapon" ?) comme des instantanés et les dessinait avec la même économie de moyens (rarement plus trois vignettes juxtaposées, pas plus de trois couleurs différentes, un arrière plan monochrome, pas de fioritures, une seule action par vignette) et le même sens de la répartie que ceux utilisés pour concevoir ses dessins satiriques (trois paroles et le tour est joué !). Le caractère cinglant des saynètes suscitait ainsi une réaction franche chez les lecteurs que ce soit le rire, la surprise, le sentiment d'exagération... Charb ne faisait pas dans la dentelle.
Maurice -le chien orange (du moins pour les versions les plus récentes), obsédé par le sexe et la merde, extraverti, crade et anarchiste- occupe essentiellement le devant de la scène tandis que Patapon -le chat jaune tigré, asexuel, hygiéniste, cruel, placide voire passif- regarde plus souvent qu'il n'agit sauf lorsqu'il s'agit d'écraser des coccinelles et des fourmis (comme on peut écraser un mouvement de grève dans certains pays) ou de lacérer des objets, des personnes ou des oisillons. Les deux se complètent et finalement s'accordent plutôt bien. Ils ont beau avoir l'apparence d'animaux de compagnie, ils réagissent comme des êtres humains avec leurs blagues et philosophie de comptoir ou leur regard sur la société tantôt amusé tantôt désabusé mais toujours déconcertant car sans aucune retenue. Tout le monde en prend plein la gueule quelque soit sa position sociale, politique et religieuse. Parce qu'il en avait marre que les animaux servent "de support à l’expression de nos sentiments les plus mièvres et les plus cul-cul…", Charb avait fait d'eux des personnes à part entière, capables de s'insurger ouvertement et d'exprimer des sentiments et des avis tranchés. J'ai été touchée lorsque j'ai vu revivre ces deux affreux personnages dans le dernier Charlie Hebdo grâce au coup de crayon de Luz.

Les albums Maurice et Patapon par Charb (dessins et textes) :
*aux éds Hoëbeke :
Coupables, forcément coupables, 2005 (il s'agit en fait de la réédition en couleur du hors-série n°1)
Ça rafraîchit, 2006 ( réédition en couleur du hors-série n°2)
La France qui se lèche tôt, 2007
Hausse du pouvoir d’un chat . 2009
*Aux éds Les Echappés: 
Ni dieu ni maître!, 2012
Mariage pour tous, 2013
*Les premières versions de cette BD  sont parues aux éds Charlie Hebdo en tant que hors-séries (1999, 2000 et 2005)


Et plus :
Être dessinateur de presse à Charlie Hebdo  :

(vidéo mise en ligne par PublicSenat)

Chez les autres blogueurs (liste non exhaustive):
Sur Cabu :
Les impubliables, de Cabu et Wozniak chez Vdujardin
Dessins cruels, chez blog o noisettes
New-York, chez Marion
L’intégrale beauf, chez une case en plus
Le Grand Duduche, chez Karine
Carnets d’un fou de jazz, chez Solenn
Sur Charb :
La vie de Mahomet, chez Yaneck
Maurice et Patapon, chez O comme Colomb
Maurice et Patapon, chez Fan de BD
Sur Tignous :
Pandas dans la brume, chez Melo
Les thématiques :
"Dessinateurs de presse", chez Caro
"Quand le 9e art rend hommage à Charlie", chez Noukette
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Enfin même si le but de cette page est de rendre hommage à Charlie Hebdo, dans un tel contexte il m'est difficile de ne pas avoir une pensée pour les personnes décédés durant ces trois jours d'effroi : Cabu, Wolinski, Charb, Bernard Maris, Elsa Cayat, Tignous, Honoré, Moustapha Ourrad, Michel Renaud, Franck Brinsolaro, Frédéric Boisseau, Ahmed Merabet, Clarissa Jean-Philippe, Philippe Braham, Yohan Cohen, Yoav Hattab, François-Michel Saada.