Maxim Leo, Histoire d'un allemand de l'Est, éds Actes Sud (coll° Babel)
Mon coup de coeur :
Je consacre cette page à un de mes coups de coeur de l'année 2010 sorti récemment en poche dans la collection Babel des éds Actes Sud.
Voici un récit comme je les aime : lorsque le destin d'une famille se confond avec celui d'une nation. Ici la famille en question c'est celle de Maxim Leo journaliste allemand dont les aïeux ont contribué à la naissance puis au fonctionnement de la RDA. " Je crois que , pour mes deux grands -pères , la RDA était une sorte de pays de rêve où ils ont pu oublier tout ce qui les avait accablés jusque -là . C'était un nouveau départ , une chance de recommencer depuis le début "... " La RDA était une sorte de pays de rêve où ils ont pu oublier ce qui les avait accablés jusque-là .Nouvelle foi contre ancienne souffrance : tel était le pacte fondateur de la RDA. Ils n’ont jamais pu voir le grand mensonge qu’était ce grand rêve-parce que leurs propres mensonges existentiels auraient été alors révélés ".
Le récit commence par l'évocation de la maladie d'un de ses grands-pères qui perd progressivement l'usage de la parole. Afin de mieux connaître et comprendre ce dernier et l'ensemble de sa famille -qui a activement contribué à la création de la RDA et à son "bon fonctionnement"-, Maxime Léo décide de consacrer un récit à ses aïeux.
L'auteur a vécu 20 ans dans un pays qui n'existe plus mais qui lui a permis de forger sa personnalité, ses rêves et qui continue de l'influencer voire de le hanter. Maxim Leo a grandi dans une famille "modèle", une cellule idéale pour comprendre pourquoi et comment la RDA a pu voir le jour mais aussi pour illustrer quelles étaient les aspirations mais aussi les contradictions de ces allemands partagés entre utopie, patriotisme et envie d'ailleurs. En effet, entre un grand-père maternel -Gerhard- d'origine juive, exilé en France durant une partie de sa vie, ancien résistant, communiste militant, volontaire et utopique; un grand-père paternel -Werner- opportuniste ayant frayé avec le nazisme, ancien pilote de la Wehrmacht ayant finalement trouver une place dans l'organigramme du Parti; une mère -Anne- jeune femme pacifiste qui croyait aveuglement à la politique pratiquée et un père -Wolf- a-sociable qui ne rêvait que de la chute de ce système politique et économique, l'auteur a de quoi être inspiré. Dans cette famille se retrouve un véritable condensé de la population est-allemande. En retraçant le parcours politique et idéologique de chacune de ces personnes, l'auteur nous amène à prendre connaissance de 60 ans de l'histoire allemande? Il réussi à faire de ce roman à la fois un témoignage inter-générationnel et une "contre histoire" de l'Allemagne de l'Est.
Voilà une saga familiale peu commune qui illustre à quel point le destin d'une famille peut être intimement et durablement lié à l'Histoire. L'auteur y raconte son enfance dans un pays divisé, la vie pleine de contradictions de ses parents et surtout le parcours antinomique de ses grands-pères. Le plus étonnant c'est que sa jeunesse ressemblait en nombreux points à celles des allemands de l'ouest. Plus qu'un roman, Histoire d'un allemand de l'est un est précieux témoignage sur la vie d'une nation, les espoirs d'un peuple et ses contradictions. Ce livre n'a pas vocation a être lu comme un document objectif et universel et c'est en cela qu'il est puissant et passionnant. Nous avons affaire à une histoire particulière qui nous parle d'un collectif. Maxim Leo nous livre un récit nuancé, émouvant, drôle et sans "ostalgie" aucune. Un livre que j'ai aimé lire et que je continue à défendre avec plaisir et conviction.
L'auteur :
Né à Berlin Est en 1970, Maxim Leo est un journaliste allemand qui a étudié en France ( à l'Institut Politique de Paris) et en Allemagne. En 2002, il a reçu le prix franco-allemand du journalisme; en 2006, Le Prix Théodor Wolf et en 2010 le Prix du roman européen.
Et plus si affinités :
Lire l'entrevue (ici) avec Maxim Leo paru dans la Gazette de Berlin.
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