lundi 12 août 2013

C'est lundi, que lisez-vous ? (11)


C'est lundi, que lisez-vous ?

Ce rendez-vous hebdomadaire a été inspiré par les It's Monday, what are yoou reading ? by One Person's Journey Through a Wolrld of Books et repris par Mallou puis Galleane. J'espère grâce à votre contribution pouvoir faire de cette page un rendez-vous convivial.

Comme chaque lundi je répondrai aux trois questions suivantes :
  1. Qu'ai-je lu la semaine précédente ?
  2. Que suis-je en train de lire ?
  3. Que vais-je lire ensuite ?
J'ai terminé le beau et singulier roman de Goliarda Sapienza Université de Rebibbia (éds Attila/Le Tripode).
Je commence Il faut beaucoup aimer les hommes de Marie Darrieussecq (éds POL).
Mes futures lectures ?  Soit La femme à 1000° de Hallgrimur Helgason (éds Presses de la cité) soit L'invention de nos vies de Karine Tuil (eds Grasset).
Et vous ?

vendredi 9 août 2013

le beau capitaine

Mènis Koumandarèas, Le beau capitaine, Quidam Editeur

Mon coup de coeur :
Étrange roman que ce Beau capitaine qui retrace sur plusieurs années les différentes rencontres entre un officier et son conseiller juridique en Grèce dans les années 1960.
Face à l'entêtement de sa hiérarchie qui lui refuse sans motif valable un avancement mérité, le militaire -par l'intermédiaire de l'administration grecque- saisit le conseil d'état afin qu'un conseiller défende ses intérêts et obtienne ce qui lui est dû. C'est ainsi que vont se rencontrer ces deux hommes raffinés, réfléchis, à cheval sur les principes voire maniaques. La procédure se déroule avec succès, le Conseil d'état invalidant la décision arbitraire de l'armée. Mais contre toute attente et pour une raison qui échappe à tous -protagonistes et lecteurs- l'armée réitère son refus. C'est alors qu'au fil du roman et des années la même procédure se reproduit avec les mêmes résultats : le face à face entre les deux hommes, les paroles de moins en moins rassurantes du conseiller, le jugement qui accorde l'avancement au capitaine mais l'armée qui la lui refuse. Tout comme l'employé de l'état, nous assistons impuissants à la déchéance physique et morale de l'officier. Tout comme le lecteur, le conseiller n'imaginait pas les méandres à venir tout comme il ne pensait pas voir dépérir celui qui fut lors de leur première rencontre un beau jeune homme plein d'avenir mais qui s'est finalement épuisé à force de se battre pour son bon droit.
De ce récit émane beaucoup de mystère voire d'absurde mais surtout beaucoup de charme. Car il y a quelque chose d'envoûtant à voir évoluer et penser les personnages.
Ce roman confronte deux hommes, deux cultures, deux univers chacun obéissant à des règles strictes  et nos deux protagonistes ont ceci en commun d'être attachés à ce système de valeurs grâce auquel leur monde subsiste. C'est la raison pour laquelle chacun d'eux reste confiné dans son univers et demeure aveugle aux changements qui se préparent. En effet alors que ces derniers tentent de maintenir leur quotidien inchangé et restent sourds au monde extérieur, les premières manifestations de la révolution à venir se font entendre -celle qui aboutira à la dictature des Colonels. D'ailleurs les signes de ce bouleversement politique et social ne se font entendre que de façon atténuée : des ouï-dire, des sons entendus à travers les vitres d'une voiture ou les fenêtres d'un bureau, des voix à peine perceptibles qui éclatent au loin... réduisant la réalité extérieure  à un vaste écho qui  n'avait finalement que peu d'intérêt.


Il y a du Sandor Marai dans la façon qu'a le narrateur de suggérer plus que de dévoiler et de rendre vivant le décor et perceptible les moindres détails qui régissent la vie de ces personnages mais aussi dans la façon que nous avons nous lecteurs de pénétrer dans la vie de ces hommes obsessionnels et chancelants, affaiblis par leurs propres erreurs de jugement. Ce récit m'a enchantée par sa musicalité tout comme il m'a troublée par les questions qu'il passe sous silence : pour quelles raisons l'armée s'entête à ne pas valider la promotion légitime du capitaine ? Pourquoi se dernier préfère s'obstiner plutôt que de quitter l'armée alors qu'il en a la possibilité ?...

J'ai lu Le beau capitaine lors de la rentrée littéraire 2011 et ce fut alors l'un des livres que j'ai défendu avec le plus de ferveur tant il me semblait important qu'il soit reconnu en France comme il l'est en Grèce.


L'auteur :
Mènis Koumandarèas est un auteur grec né en 1931. Il est entre autre l'auteur de sept romans, cinq recueils de nouvelles et de deux essais. Parallèlement à ses activités d'écrivain, il est le traducteur des oeuvres de MC Cullers et de Fitzgerald. Il est un des grands auteurs grecs contemporains.

mardi 6 août 2013

L'invité(e) du Bruit délivre (1)


L'invité(e) du Bruit délivre

Depuis plusieurs semaines, je tenais à enrichir ce blog en donnant la parole à des libraires, auteurs ou éditeurs et en les laissant librement choisir le sujet et le ton de leur page. 
Je souhaite avec ce nouveau rendez-vous non seulement vous surprendre mais surtout aiguiser votre curiosité naturelle, ainsi que la mienne.

Mon invité :
Mon premier invité s'appelle Stephan. Non seulement c'est un très bon ami mais c'est aussi un libraire expérimenté et un homme curieux, passionné et passionnant. Ses domaines de prédilection sont le cinéma, la peinture, la littérature et la BD . C'est d'ailleurs un fan inconditionnel de comics. Vous pouvez découvrir l'étendue de sa passion -et de sa folie- sur tumblr : http://lifeascomics.tumblr.com/ et sur Pinterest : http://pinterest.com/chaldjian58/ . Remarquable !
Je suis doublement heureuse d'abord parce qu'il a accepté sans retenu d'être mon premier invité et aussi parce qu'il a rédigé ce formidable article consacré à Enig Marcheur de Russell Hoban, éds Monsieur Toussaint Louverture -une maison d'édition dont j'aime le travail. Je vous laisse maintenant découvrir son coup de coeur ainsi que sa personnalité et son univers :

Son coup de coeur :
 L'Apocalypse selon Russell HOBAN


littérature anglo-américaine
 Je dois à la clairvoyance d'un ami de m'avoir invité dans la librairie Charybde, dans le douzième arrondissement de Paris, à une présentation/lecture d'ENIG MARCHEUR (Riddley Walker en anglais) de Russell HOBAN aux éditions Monsieur Toussaint Louverture . En pénétrant pour la première fois dans cette magnifique librairie par cette journée d' hiver 2012, j'ai senti que tous les participants avaient l'air, sinon de se connaître, du moins de faire partie d'une communauté de lecteurs qui partageaient bon nombre de références en commun. Je dois avouer que ce n'était mon cas, une grande partie des auteurs et des livres cités ici m'étaient inconnus. Merveilleuse impression d'assister à un moment important, celui où l'on se sent accéder à un nouveau champ d'expériences et de connaissances... La lecture fut assez éprouvante vu les particularités linguistiques du texte et les débats ont tourné, à juste titre ce soir-là, sur les parti-pris et les prouesses de la traduction qui s'apparentait à une véritable invention/transposition.
De toute façon, cela faisait déjà beaucoup pour une soirée autour de ce texte inclassable écrit entre 1974 et 1979 et qui peut s'apparenter, pour le classer (trop) hâtivement, au registre de la littérature d'anticipation et post- apocalyptique.

 Je dois au même ami de m'avoir prêter ce livre quelques temps après et de l'avoir lu dans une sorte de transe et d'excitation inédites.
Lecture éprouvante certes et exigeante, mais je comprends maintenant les éloges lus et entendus à son sujet, la préface de  Will Self est très éclairante mais après-coup seulement, car lire cet ouvrage c'est faire une véritable expérience, comme lire une partition à haute-voix, et la traduction fonctionne finalement très bien, elle a su trouver les jeux de mots et les références sémantiques adéquates au français. Ce qui fait d' ENIG un livre unique dans chaque langue dans laquelle il est ou sera traduit. Le texte possède sa propre logique interne due à la langue anglaise mais il possède une force et une cohérence encore plus profondes qui contaminent les autres langues et, finalement, les lecteurs eux-mêmes.

 Mais l'autre versant de cet engagement du lecteur dans ce texte incroyable c'est son histoire même. Que raconte donc ENIG qui le distingue des autres essais de transcription d'une terre et d'une humanité ravagées par une Grande Catastrophe? Le personnage est lui-même habité par des voix et des bribes de mémoire qui le traversent et finissent, au cours du livre, par fonder sa propre vision prophétique ou immémoriale de ce que fut un jour l'humanité. Enig Marcheur réalise ce tour de force sans avoir recours aux procédés habituels du fantastique et de la S-F, mais en puisant dans le coeur même des mythes et dans ce qui les transmet de façon vivante, à savoir : le théâtre, la parole, le chant et la mémoire. Dans un monde retourné à l'oralité la plus ancienne, le langage assume désormais des fonctions mythiques et poétiques, parfois obscures et fatales, parfois éclairantes et salvatrices. On peut dire qu'un des sujets de ce texte, par sa construction et l'effort qu'il demande à son lecteur pour s'acclimater à cette mutation, serait le langage lui-même comme possibilité de reconstruire des liens organiques avec un passé révolu et devenu incompréhensible aux survivants. Au lieu de simplement, si l'on peut dire, faire la description de ce monde ancien et englouti, Russell HOBAN propulse la dystopie de ce futur tristement envisageable vers une direction inédite à ce jour.  Sur une trame connue, un groupe de survivants lutte contre l'adversité d'un monde hostile, ENIG nous fait partager de l'intérieur l'état mental et affectif d'une telle expérience. Le travail fabuleux sur la langue, la réinvention des mots et des phrases, n'ont rien de commun avec une démarche d'avant-garde textuelle.  Au contraire, on finit par comprendre que ce texte météorique plonge ses racines dans la légende des Saints, des Mystères du Moyen-Âge, et tend à réinventer une vraie cosmogonie à partir de la disparition du monde du XXéme siècle. Non seulement le monde ancien a disparu mais aussi la mémoire de ce monde,  le langage lui-même a été brisé, les mots détruits et recomposés selon une logique cryptée. Lire ENIG c'est faire soi-même l'expérience de ce non-savoir, accepter de perdre ses repères pour explorer à tâtons la légende dorée des hommes dans ce terrible avenir. Chanson de gestes hallucinée jouée sur les tréteaux d'un Guignol noir et cruel (Punch en Angleterre), le livre révèle de fulgurantes visions: rites de passage, initiations, secrets mortels, rapports de pouvoir terrifiants..
  Sa grande force, je trouve, est cette capacité d'avoir élevé au rang de mythologie les traces perdues d'une tradition ancestrale et les éléments même de notre modernité scientifique. Cela crée une profondeur, et une troublante familiarité, de voir notre conception du monde techno-scientifique devenir un ensemble de croyances confuses, mystérieuses, et au final aussi obscures que les Mystères joués dans les théâtres Antiques. (Il existe d'ailleurs une version théâtrale de Riddley Walker.)  Et tout cela, il faut le redire, conçu et écrit de 1974 à 1979..
Russell Hoban a donné énormément de références philosophico-théologiques à son histoire et, de façon incroyable, en nous faisant entendre la voix d'un personnage attachant bien décidé à survivre en écoutant, sans toujours les comprendre, les voix venues du passé qui le  traversent malgré lui.
 Tout ça dans une langue qui peut s'entendre comme l'écho dénaturé des anciennes langues, mais qui finalement serait plutôt une nouvelle langue qui ferait entendre des rapports inédits/inouïs entre les mots, les concepts, les gens. Et si un jour on cherchait les fondements métaphysiques, de notre époque, on pourrait les trouver en grande partie dans ce texte prophétique, c'est une belle leçon que de nous montrer à voir notre temps à partir de son effondrement, sa nuit, son cauchemar souvent, et malgré tout donner une perspective à ce chaos, un sens quasi religieux et symbolique souvent méconnu, un sens profond de ce qui fait de nous des individus liés à une communauté donnée.
Malgré sa noirceur et sa radicalité, Enig Marcheur représente quand même un nouveau départ, un nouvel espoir dans un monde sans dieu, mais non dépourvu de sens du sacré, basé sur un théâtre et une représentation du monde de la dérision, voire de la cruauté, diront certains.  En dernier recours c'est un parcours initiatique d'une conscience qui s'individualise en reprenant à son compte tous les mythes de sa réalité et en les portant au point où un avenir commun redevient possible. Refondation visionnaire, jeu magique, chronique d'une histoire commune inconnue, en cela la lecture même d'ENIG réactiverait un sens perdu par l'énonciation de mots et d'images enfouis et oubliés.

A noter, du même auteur, en folio junior : Souris père et fils, l'histoire de deux souris mécaniques jetées à la décharge un soir de Noël et qui doivent reconstruire leurs vie après bien des "énigmes, batailles et étranges rencontres". Un beau conte noir et joyeux à lire en parallèle et qui résonne des échos d'Enig.
Stephan

Enig Marcheur de Russell Hoban -traduit du riddleyspeak (Anterre) par Nicolas Richard- aux éds Monsieur Toussaint Louverture.

Quelques mots sur l'auteur et son traducteur :
RUSSELL HOBAN est né le 4 février 1925 en Pennsylvanie et est décédé le 13 décembre 2011 à Londres. Graphiste et illustrateur à ses débuts, il a beaucoup travaillé pour la télévision, la publicité et le cinéma. Son premier livre est paru en 1960. Jusqu’à sa mort, il a exploré à travers ses livres -fantastiques ou au contraire ancrés dans la réalité, historiques ou pour la jeunesse- l’humanité, les croyances et les liens profonds qui unissent les hommes. Considéré comme l’un des plus grands auteurs américains contemporains, Russell Hoban a signé avec Enig Marcheur une œuvre phénoménale, saluée par le public et par de nombreuses récompenses.

NICOLAS RICHARD est né en 1963 et a traduit de l’anglais de grands noms de la littérature anglo-américaine dont Thomas Pynchon, Richard Powers, Philip K. Dick, Nick Hornby, Woody Allen, Art Spiegelman, Hunter S. Thompson, Richard Brautigan, James Crumley ou Harry Crews. Il est lui-même auteur d'un roman Les cailloux sacrés et d'un recueil de nouvelles Week-end en couples avec handicap et a également travaillé avec Quentin Tarantino. Enfin, il a en son temps retapé des appartements à Brooklyn, posé nu pour des étudiantes, pratiqué l’escalade en falaise et a manager plusieurs groupes de rock. Il dit habiter actuellement près d’un fleuve, à côté d’une voie ferrée. Et pour en connaître davantage sur ce traducteur, je vous renvoie vers un article signé Claro (in "Le clavier cannibal") dans lequel ce dernier dit tout le bien qu'il pense de son travail.

N.B. :
Librairie Charybde au 129 rue Charenton, 75012.
https://www.facebook.com/librairie.charybde

lili M

lundi 5 août 2013

c'est lundi, que lisez-vous ? (10)



C'est lundi, que lisez-vous ?

Ce rendez-vous hebdomadaire a été inspiré par les It's Monday, what are yoou reading ? by One Person's Journey Through a Wolrld of Books et repris par Mallou puis Galleane. J'espère grâce à votre contribution pouvoir faire de cette page un rendez-vous convivial.

Comme chaque lundi je répondrai aux trois questions suivantes :
  1. Qu'ai-je lu la semaine précédente ?
  2. Que suis-je en train de lire ?
  3. Que vais-je lire ensuite ?
J'ai finalement terminé les deux très bons livres suivants : Les évaporés de Thomas B. Reverdy (éds Flammarion) et Ailleurs de Richard Russo (éds La Table Ronde) et j'ai commencé L'Université de Rebibbia de Goliarda Sapienza (éds Attila/Le Tripode) dont j'ai déjà lu une bonne moitié.
Au programme de cette semaine de lecture : je termine le Sapienza et je continue avec Il faut beaucoup aimer les hommes de Marie Darrieussecq (éds POL).
Quant à la semaine prochaine, je pense m'attaquer à un pavé et lire soit La femme à 1000° de Hallgrimur Helgason (éds Presses de la cité) soit L'invention de nos vies de Karine Tuil (eds Grasset), les deux étant régulièrement cités dans les listes des incontournables de cette rentrée littéraire.
Je vous laisse à présent la parole.