lundi 10 mars 2014

C'est lundi, que lisez-vous ? (36)


C'est lundi, que lisez-vous ?

Ce rendez-vous hebdomadaire a été inspiré par les It's Monday, what are yoou reading ? by One Person's Journey Through a Wolrld of Books et repris par Mallou puis Galleane. J'espère grâce à votre contribution pouvoir faire de cette page un rendez-vous convivial.

Comme chaque lundi je répondrai aux trois questions suivantes :
✒ Qu'ai-je lu la semaine précédente ?
✒ Que suis-je en train de lire ?
✒ Que vais-je lire ensuite ?

Bonjour !
Au cours de la semaine passée, j'ai pu lire Monastère d'Eduardo Halfon (éds Quai Voltaire), l'auteur du très beau La Pirouette et commencer le premier roman des éds La Belle Colère Dieu me déteste de Hollis Seamon
Au programme des semaines suivantes : terminer ce roman puis enchaîner avec -selon mon humeur- le premier tome de la série jeunesse Les Todds de Harald Tonollo (éds Hachette), Comment élever votre Volkswagen de Christopher Boucher (éds Le Nouvel Attila) ou l'éternel (;-)) L'affaire Eszter Solymosi de Gyula Krùdy (éds Albin Michel.
Bonne semaine (de lectures) à tous !

jeudi 6 mars 2014

Mayonnaise

Eric Plamondon, Mayonnaise, éds Phébus

Mon coup de coeur :
" A déguster d'une seule traite cet été, comme un cornet de glace qui, à peine terminé, appelle le suivant ." Cette critique qu'un anonyme avait formulé pour qualifier l'oeuvre de Brautigan je la reprends aisément pour définir l'impression que m'a laissée cette lecture. Oui ! j'ai aimé ce roman. Déjà pour les mêmes raisons que celles qui m'ont fait aimer le précédent opus (Hongrie-Hollywood Expressde cette trilogie consacrée à l'année 1984à savoir son caractère protéiforme et polyphonique. Mais j'ai aussi aimé ce récit pour des raisons qui lui sont propres :
D'abord j'y ai fait la connaissance de Richard Brautigan, un auteur que je ne connaissais jusqu'à présent qu'indirectement. Ici le narrateur déroule de façon fragmentaire et éclatée les épisodes importants de sa vie qu'il étoffe avec des éléments de la vie de ses proches (sa mère naturelle, sa mère de coeur, sa fille). Cette biographie à peine romancée est la véritable colonne vertébrale de ce livre autour de laquelle se greffent d'autres considérations sur le succès, l'écriture, la mort...
Ensuite Gabriel Rivage -déjà narrateur du précédent tome- s'y dévoile davantage en nous racontant plus largement son enfance et son quotidien auprès d'un père mutique et secret. Si dans Hongrie-Hollywood Express, Gabriel se remémore le temps passé avec sa mère, ici il fait de la figure paternelle l'un des points d'ancrage de son récit.
Chaque vie à une date charnière, celle de nos deux protagonistes (Rivages et Brautigan) -comme celle de Weissmuller et Jobs- c'est l'année 1984. Mais si 1984 est la date qui a inspirée cette la trilogie, la "mayonnaise" est (après la figure du père) l'un des fils conducteurs de ce récit. C'est à la fois l'ultime mot employé par Richard Brautigan dans ce qui est a-priori son chef-d'oeuvre La pêche à la truite en Amérique et le leitmotiv qui inspire le narrateur. C'est  l'élément qui permet de faire le lien entre l'oeuvre et le destin du romancier et la vie de Rivage. La mayonnaise c'est enfin la métaphore de la vie qui prend ou au contraire qui ne prend pas.
A force de questionnements, de digressions et d'apartés, le récit s' interroge et nous interroge sur ce qui fait une existence réussie. Pourquoi Richard Brautigan s'est-il donné la mort ? Pourquoi notre narrateur est porté par une seule ambition : l'écriture : " Quand tout le monde a envie d’aller au resto, si je reste seul, je m’en fous, je vais écrire. Quand tout le monde a peur de se retrouver au chômage, je m’en fous, parce que, si je n’ai plus de travail, je vais écrire. Quand tout le monde part en vacances, je m’en fous, parce que, si je reste là, je vais écrire. Quand il fait beau ou qu’il pleut, je m’en fous, parce que je vais écrire. Quand on me retrouve seul à l’aéroport ou dans le train, je m’en fous, parce que j’écris. Quand il faudrait que j’aille dormir parce qu’il est assez tard, je m’en fous, j’écris. Dans la salle d’attente, j’écris. Dans les chambres d’hôtel, j’écris. Quand les jours sont trop longs, les plaies trop vives, l’espoir à zéro, j’écris. Le reste du temps, je me demande ce que je pourrais bien écrire "... et même par l'histoire de l'écriture mécanique et la naissance des premières machines à écrire construites par des fabricants d'armes...
En trouvant des correspondances entre des éléments disparates, Eric Plamondon nous parle de la figure de l'écrivain incompris, de la paternité et du suicide. Par un incroyable et précieux travail d'écriture et de composition, il tisse un récit où le réel se mêle au fictif, ou l'essentiel se confond avec l'anecdote.

Encore une fois, Eric Plamondon nous offre un récit riche, décousu et inclassable qui entrelace récits de vie (une fictive et l'autre réelle), faits divers, considérations sur Brautigan (sa vie/son oeuvre), réflexion sur la vie (et la mort)/la littérature/l'écriture et les arts, recettes de cuisine et sur les différentes manières d'élaborer des mayonnaises... 

Même si l'effet de surprise est moindre que lors de la lecture de Hongrie-Hollywood Express, je suis toujours charmée par cette structure narrative faite d'ellipses et de reprises, par la richesse des sujets abordés et par cette langue qui se renouvelle sans cesse. Et si Richard Brautigan écrivait comme il péchait en appâtant le lecteur et en l'extirpant de la rêverie " comme une truite hors du torrent ", il en est de même pour Eric Plamondon. J'avais déjà adoré Hongrie-Hollywood-Express, ce récit est tout aussi jubilatoire et rafraîchissant. Vivement le troisième volume !!!


L'auteur :
Né au Canada en 1969, Eric Plamondon a été successivement pompiste, bibliothécaire, barmaid ou professeur (il a enseigné le français à l'université de Toronto). Il a étudié les sciences, l'économie, le journalisme. Il a quitté le Québec pour la France et vit désormais à Bordeaux où il travaille dans la communication.
Mayonnaise est le deuxième roman publié en France par les éds Phébus après Hongrie-Hollywood Express. Il a été finaliste au Grand Prix du livre de Montréal 2012, au Prix des libraires du Québec 2013 et au Prix littéraires des collégiens 2013.

Et plus si affinités :
Lire Hongrie-Hollywood Express (éds Phébus) et les oeuvres de Richard Brautigan, certaines (La pêche à la truite en Amérique et/ou Un Privé à Babylone) vont d'ailleurs alourdir ma liste de livres à lire  ;-)

lundi 3 mars 2014

C'est lundi, que lisez-vous ? (35)


C'est lundi, que lisez-vous ?

Ce rendez-vous hebdomadaire a été inspiré par les It's Monday, what are yoou reading ? by One Person's Journey Through a Wolrld of Books et repris par Mallou puis Galleane. J'espère grâce à votre contribution pouvoir faire de cette page un rendez-vous convivial.

Comme chaque lundi je répondrai aux trois questions suivantes :
✒ Qu'ai-je lu la semaine précédente ?
✒ Que suis-je en train de lire ?
✒ Que vais-je lire ensuite ?

Bonjour !
Peu de lectures la semaine dernière, j'ai relu -pour les besoins de mon challenge- Cuisine tatare et descendance d'Alina Bronsky (éds Actes Sud) et ai commencé ce dimanche Monastère d'Edouardo Halfon (éds Table Ronde/Quai Voltaire) dont j'avais aimé La Pirouette.
Au programme de cette semaine: terminer ce dernier roman et commencer (enfin ;-))  Dieu me déteste de Hollis Seamon (éds La belle Colère)
Au programme des semaines suivantes : le premier tome de la série jeunesse Les Todds de Harald Tonollo (éds Hachette), Comment élever votre Volkswagen de Christopher Boucher (éds Le Nouvel Attila) et bien-sûr L'affaire Eszter Solymosi de Gyula Krùdy (éds Albin Michel.
Bonne semaine à tous !

dimanche 2 mars 2014

Histoire d'un allemand de l'est

Maxim Leo, Histoire d'un allemand de l'Est, éds Actes Sud (coll° Babel)

Mon coup de coeur :
Je consacre cette page à un de mes coups de coeur de l'année 2010 sorti récemment en poche dans la collection Babel des éds Actes Sud.
Voici un récit comme je les aime : lorsque le destin d'une famille se confond avec celui d'une nation. Ici la famille en question c'est celle de Maxim Leo journaliste allemand dont les aïeux ont contribué à la naissance puis au fonctionnement de la RDA. " Je crois que , pour mes deux grands -pères , la RDA était une sorte de pays de rêve où ils ont pu oublier tout ce qui les avait accablés jusque -là . C'était un nouveau départ , une chance de recommencer depuis le début "... La RDA était une sorte de pays de rêve où ils ont pu oublier ce qui les avait accablés jusque-là .Nouvelle foi contre ancienne souffrance : tel était le pacte fondateur de la RDA. Ils n’ont jamais pu voir le grand mensonge qu’était ce grand rêve-parce que leurs propres mensonges existentiels auraient été alors révélés ".


Le récit commence par l'évocation de la maladie d'un de ses grands-pères qui perd progressivement l'usage de la parole. Afin de mieux connaître et comprendre ce dernier et l'ensemble de sa famille -qui a activement contribué à la création de la RDA et à son "bon fonctionnement"-, Maxime Léo décide de consacrer un récit à ses aïeux.
L'auteur a vécu 20 ans dans un pays qui n'existe plus mais qui lui a permis de forger sa personnalité, ses rêves et qui continue de l'influencer voire de le hanter. Maxim Leo a grandi dans une famille "modèle", une cellule idéale pour comprendre pourquoi et comment la RDA a pu voir le jour mais aussi pour illustrer quelles étaient les aspirations mais aussi les contradictions de ces allemands partagés entre utopie, patriotisme et envie d'ailleurs. En effet, entre un grand-père maternel -Gerhard- d'origine juive, exilé en France durant une partie de sa vie, ancien résistant, communiste militant, volontaire et utopique; un grand-père paternel -Werner- opportuniste ayant frayé avec le nazisme, ancien pilote de la Wehrmacht ayant finalement  trouver une place dans l'organigramme du Parti; une mère -Anne- jeune femme pacifiste qui croyait aveuglement à la politique pratiquée et un père -Wolf- a-sociable qui ne rêvait que de la chute de ce système politique et économique, l'auteur a de quoi être inspiré. Dans cette famille se retrouve un véritable condensé de la population est-allemande. En retraçant le parcours politique et idéologique de chacune de ces personnes, l'auteur nous amène à prendre connaissance de 60 ans de l'histoire allemande? Il réussi à faire de ce roman à la fois un témoignage inter-générationnel et une "contre histoire" de l'Allemagne de l'Est.

Voilà une saga familiale peu commune qui illustre à quel point le destin d'une famille peut être intimement et durablement lié à l'Histoire. L'auteur y raconte son enfance dans un pays divisé, la vie pleine de contradictions de ses parents et surtout le parcours antinomique de ses grands-pères. Le plus étonnant c'est que sa jeunesse ressemblait en nombreux points à celles des allemands de l'ouest. Plus qu'un roman, Histoire d'un allemand de l'est un est précieux témoignage sur la vie d'une nation, les espoirs d'un peuple et ses contradictions. Ce livre n'a pas vocation a être lu comme un document objectif et universel et c'est en cela qu'il est puissant et passionnant. Nous avons affaire à une histoire particulière qui nous parle d'un collectif. Maxim Leo nous livre un récit nuancé, émouvant, drôle et sans "ostalgie" aucune. Un livre que j'ai aimé lire et que je continue à défendre avec plaisir et conviction.

L'auteur :
Né à Berlin Est en 1970, Maxim Leo est un journaliste allemand qui a étudié en France ( à l'Institut Politique de Paris) et en Allemagne. En 2002, il a reçu le prix franco-allemand du journalisme; en 2006, Le Prix Théodor Wolf et en 2010 le Prix du roman européen.

Et plus si affinités :
Lire l'entrevue (ici) avec Maxim Leo paru dans la Gazette de Berlin.