vendredi 9 août 2013

le beau capitaine

Mènis Koumandarèas, Le beau capitaine, Quidam Editeur

Mon coup de coeur :
Étrange roman que ce Beau capitaine qui retrace sur plusieurs années les différentes rencontres entre un officier et son conseiller juridique en Grèce dans les années 1960.
Face à l'entêtement de sa hiérarchie qui lui refuse sans motif valable un avancement mérité, le militaire -par l'intermédiaire de l'administration grecque- saisit le conseil d'état afin qu'un conseiller défende ses intérêts et obtienne ce qui lui est dû. C'est ainsi que vont se rencontrer ces deux hommes raffinés, réfléchis, à cheval sur les principes voire maniaques. La procédure se déroule avec succès, le Conseil d'état invalidant la décision arbitraire de l'armée. Mais contre toute attente et pour une raison qui échappe à tous -protagonistes et lecteurs- l'armée réitère son refus. C'est alors qu'au fil du roman et des années la même procédure se reproduit avec les mêmes résultats : le face à face entre les deux hommes, les paroles de moins en moins rassurantes du conseiller, le jugement qui accorde l'avancement au capitaine mais l'armée qui la lui refuse. Tout comme l'employé de l'état, nous assistons impuissants à la déchéance physique et morale de l'officier. Tout comme le lecteur, le conseiller n'imaginait pas les méandres à venir tout comme il ne pensait pas voir dépérir celui qui fut lors de leur première rencontre un beau jeune homme plein d'avenir mais qui s'est finalement épuisé à force de se battre pour son bon droit.
De ce récit émane beaucoup de mystère voire d'absurde mais surtout beaucoup de charme. Car il y a quelque chose d'envoûtant à voir évoluer et penser les personnages.
Ce roman confronte deux hommes, deux cultures, deux univers chacun obéissant à des règles strictes  et nos deux protagonistes ont ceci en commun d'être attachés à ce système de valeurs grâce auquel leur monde subsiste. C'est la raison pour laquelle chacun d'eux reste confiné dans son univers et demeure aveugle aux changements qui se préparent. En effet alors que ces derniers tentent de maintenir leur quotidien inchangé et restent sourds au monde extérieur, les premières manifestations de la révolution à venir se font entendre -celle qui aboutira à la dictature des Colonels. D'ailleurs les signes de ce bouleversement politique et social ne se font entendre que de façon atténuée : des ouï-dire, des sons entendus à travers les vitres d'une voiture ou les fenêtres d'un bureau, des voix à peine perceptibles qui éclatent au loin... réduisant la réalité extérieure  à un vaste écho qui  n'avait finalement que peu d'intérêt.


Il y a du Sandor Marai dans la façon qu'a le narrateur de suggérer plus que de dévoiler et de rendre vivant le décor et perceptible les moindres détails qui régissent la vie de ces personnages mais aussi dans la façon que nous avons nous lecteurs de pénétrer dans la vie de ces hommes obsessionnels et chancelants, affaiblis par leurs propres erreurs de jugement. Ce récit m'a enchantée par sa musicalité tout comme il m'a troublée par les questions qu'il passe sous silence : pour quelles raisons l'armée s'entête à ne pas valider la promotion légitime du capitaine ? Pourquoi se dernier préfère s'obstiner plutôt que de quitter l'armée alors qu'il en a la possibilité ?...

J'ai lu Le beau capitaine lors de la rentrée littéraire 2011 et ce fut alors l'un des livres que j'ai défendu avec le plus de ferveur tant il me semblait important qu'il soit reconnu en France comme il l'est en Grèce.


L'auteur :
Mènis Koumandarèas est un auteur grec né en 1931. Il est entre autre l'auteur de sept romans, cinq recueils de nouvelles et de deux essais. Parallèlement à ses activités d'écrivain, il est le traducteur des oeuvres de MC Cullers et de Fitzgerald. Il est un des grands auteurs grecs contemporains.

2 commentaires :

  1. Décidément ce roman me tente beaucoup :-)

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    1. Je suis contente car ce roman a été pour moi une belle révélation.

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