lundi 19 mai 2014

Sombre dimanche

Alice Zeniter, Sombre dimanche, éds Albin Michel


Mon coup de coeur :
Sombre dimanche déroule plus de 40 ans de la vie des Mandy, une famille hongroise d'extraction modeste. Installée depuis 5 générations dans une maison délabrée coincée au bord de la voie ferrée dépendante de la gare de l'Ouest (la gare Nyugati), cette famille subit douloureusement et inlassablement les affres de l'Histoire tout autant que les échecs et les drames vécus par chacun de ses membres.
Sous un même toit cohabotent des personnages presque tous plus déprimants et défaitistes les uns que les autres. Il y a tout d'abord le grand-père -Imre sénior- éternel combattant anti-soviétiques dont les révoltes passées ont fini par faire de lui un infirme et un vieillard acariâtre, incapable d'aimer convenablement ses proches notamment son fils Pàl dont le visage porte la marque du déshonneur; Pàl -né d'une tragédie- ne s'est jamais remis d'avoir été durant son enfance raillé par ses soeurs, détesté par son père et laissé seul dans cette maison sans amour depuis la mort brutale de sa mère. La seule note de joie dans sa vie si morose a été sa rencontre avec Idilko, sa femme et la mère de ses enfants Agi et Imre. Mais cette dernière va mourir bêtement victime du passage d'un train à grand vitesse alors qu'elle venait à peine de se remettre d'un étouffement. Agi la soeur aînée qui jadis fut une jeune fille radieuse et joviale est devenu après un avortement une femme blessé dans sa chair, dépressive et éteinte. Parmi tout les membres de cette famille seul Imre vit encore d'espoir. Ainsi nous le voyons évoluer au fil des années porté par un rêve quasi inaccessible pour lui : réussir c'est à dire se marier avec une occidentale (il va fonder une famille avec un jeune allemande) et gagner de l'argent (il sera un temps le gestionnaire avisé d'un sex shop). Le petit garçon maladroit et indécis est devenu progressivement un jeune homme ambitieux puis un homme volontaire et ingénieux. Lui qui plus jeune rêvait d'Amérique et de liberté avec son ami Zsolt -bagarreur et impétueux qui deviendra un poète renommé et une fierté nationale dans un pays en quête de symbole et de reconnaissance- demeure le seul personnage apte à s'émanciper de son carcan familial et de son milieu social avec panache et honneur.
Si les années passent sans pour autant perdre de leur puissance néfaste, Imre sait que les rêves valent la peine d'être vécus. Certes son existence est rythmée par de nombreux drames, mais il est le seul a se donner des chances de réussir là où ces aïeux ont tous failli.

Alice Zéniter nous offre un roman d'apprentissage aigre-doux tout autant qu'un roman familial emprunt de nostalgie et de révolte dans lesquels s'entremêlent parfaitement l'Histoire et les destins individuels. Les personnages sont minés par les rancoeurs, les secrets ou pour avoir cru en un rêve trop grand pour eux. Tout comme la mélodie hongroise qui lui donne son titre, ce récit est fait de tragédie tout autant que poésie. Si le passé est parfois impitoyable, l'avenir n' est pas pour autant sombre.

L'auteur :
Romancière française diplômée de Normal Sup', Alice Zéniter en longtemps enseigné le français en Hongrie, pays qui lui a inspiré ce roman. Elle a publié son premier roman en 2003 Deux moins un égal zéro alors qu'elle n'a que 16 ans. Elle reçoit en 2013 le prix Inter ainsi que ceux des lecteurs de l'Express et celui de la Closerie des Lilas pour Sombre dimanche (éds Albin Michel).

Et plus si affinités :
Découvrir la version de cette mélodie que Serge Gainsbourg a interprétée :

(vidéo Youtube mise en ligne par myfairjoker)




-Les Ménites de Vélasquez
Challenge :La famille dans tous ses états !!!

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