vendredi 5 avril 2013

L'arrière-saison


Philippe Besson / 10/18Philippe Besson, L'arrière-saison, 10/18

Mon coup de coeur :
En s'inspirant du tableau d'Edward Hopper Nighthawks, Philippe Besson retrace le parcours de trois êtres solitaires.
Nous sommes à Cap Code au sud de Boston et plus exactement chez Phillies un bar déserté en ce dimanche soir.
Sous le regard de Ben le barman, la sublime Louise attend Norman -son amant depuis peu- tout en sirotant son martini. Lui comme nous, lecteurs, savons d'ores et déjà que Norman n'abandonnera pas sa femme pour elle. Surgit alors celui qui fut son grand amour Stephen. Celui qui l'a tant fait souffrir. "La seule chose que Stephen lui ait léguée en partant, c'est le temps. Ce sont les années interminables à ressasser leur rupture, l'enchaînement des événements, la séquence de leur perdition (...) Le corps de Stephen lui a manqué horriblement: ce manque là englobait tous les autres, il l'a amenée aux portes de la démence."
Cela fait trop longtemps -5 ans- qu'ils ne se sont ni vus ni parlés. La tentative pour renouer les liens perdus s'avère alors difficile. "Lorsqu'une histoire est terminée, elle est effectivement terminée, sans espoir de retour de flamme, sans possibilité de recommencement (...). (Louise) a préféré une souffrance éclatante à une interminable agonie." Jamais elle n'avait imaginé un éventuel retour de Stephen ni les nouvelles souffrances que cela lui procurerait.

Besson fait de ce huis-clos à l'ambiance mélancolique -initialement peint par Hopper- une scène de retrouvailles éprouvante. Car comment renouer contact après des années de silence? Le constat est sévère. Une fois les rancoeurs et la colère évanouies il ne reste finalement rien si ce n'est de simples souvenirs vides de sens.

Toute la beauté du récit tient à la manière dont l'auteur a su rendre la fragilité des personnages, leurs souffrances et leur incapacité à communiquer. La désolation des lieux s'accordant à celle des protagonistes et renvoie les personnages au néant qui résume finalement leur vie.


L'auteur :
Philippe Besson est né en 1967. Après des études de commerce il commence l'écriture de son premier roman En l'absence de hommes en 1999. En 2001 il reçoit le prix Emmanuel-Roblès pour ce même titre. Son deuxième roman Son frère concourt au prix Fémina. Patrice Chereau l'adaptera au cinéma en 2002 avec Bruno Todeschini comme premier rôle. En 2003 sorti de L'arrière-saison roman qui obtient le Prix RTL-Lire. Depuis Besson a publié 7 romans (Un garçon d'Italie, L'enfant d'octobre, Se résoudre aux adieux, Un homme accidentel, La trahison de Thomas Spencer, Retour parmi les hommes et Une bonne raison de se tuer) tous paru aux éditions Julliard.

Et plus si affinités :

Nighthawks (1942) est une des peintures les plus célèbres du peintre américain Edward Hopper. On la connaît en France sous le nom Noctambules ou Les rôdeurs de nuit.
Avec ce tableau, Hopper nous oblige à observer à travers la vitre courbe (comme un aquarium) d'un bar typiquement américain quatre personnages perdus dans la nuit. L'angle, l'éclairage, la raideur des personnages et l'absence de toute issue participent à rendre l'atmosphère dramatique et figée. Face au serveur un homme vu de dos mange seul. A sa gauche un autre homme et une jeune femme à la chevelure flamboyante semblent se parler sans se regarder. Les alentours sont désertés. Avec peu de couleurs mais un travail minutieux sur les formes et les lumières, Hopper réussi à peindre le doute et le temps en suspens donnant à l'ensemble une impression à la fois banale et mystérieuse.
Hopper reprend ici ses thèmes de prédilection: la solitude, l'amour et l'échec; thèmes que développe à son tour Philippe Besson dans son roman.
Ce qu'il a d'amusant et d'enrichissant avec Hopper c'est qu'il s'est inspiré de la littérature et du cinéma pour créer ses tableaux et qu'inversement des écrivains et des cinéastes se sont inspirés de ses peintures pour réaliser leurs oeuvres. Ainsi  Les Tueurs d'Hemingway a été à l'origine de Nighthawks qui a lui même influencé Robert Siodmak lorsqu'il a adapté en 1946 ce même roman. Pour en savoir plus, n'hésitez pas à utiliser ce lien et accéder au document conjointement réalisé par Télérama.fr et Dailymotion sur les relations entre Edward Hopper et le cinéma.

Et toujours plus :
Ici un extrait (également utilisé dans le document cité plus haut) du documentaire intitulé La toile blanche d'Edward Hopper diffusé par Arte disponible sur DVD.

(extrait mis en ligne par RMNgrandpalais)

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